• Quand les choses voulaient déraper, ça ne se faisait pas à moitié... Petit retour en arrière. Au vendredi soir plus précisément. La dispute avec Léo, puis l'appel de sa mère. Deux choses assez... perturbantes pour Joy. Et puis bien avant, il y avait eu la grosse dispute avec Brian, dont elle n'avait plus de nouvelles depuis... au moins un mois. Elle était énervée après lui, mais aussi triste que les choses se finissent comme ça alors qu'ils avaient été si proches pendant autant de temps. C'était comme perdre un de ses repères. Elle avait l'impression qu'être avec Léo l'avait obligée à faire des choix involontaires, du tri dans ses anciens amis, en même temps qu'elle mettait son ancienne vie de côté. Ce n'était pas de la faute de Léo, c'était juste dans l'ordre logique des choses. Être en couple puis être enceinte demandait d'évoluer, et certaines choses ne pouvaient plus rester telles qu'elles l'étaient. Joy allait toujours en cours, mais ça devenait difficile. Être presque enceinte de 5 mois et suivre un rythme d'Université était parfois compliqué, même si elle arrivait à faire bonne figure et même si elle voulait se forcer à rester le plus longtemps possible scolarisée là-bas. Mais depuis ce week-end-là et ces deux petites contrariétés, elle n'était plus aussi souriantes qu'avant. Comme si tous les problèmes accumulés dernièrement refaisaient surface. Elle avait pourtant passé une journée... calme mais agréable avec Léo le samedi, à se reposer. Le dimanche n'avait pas été bien différent. Mais Joy avait de nouveau le sommeil agité et le retour à l'Université le lundi fut difficile. Elle avait assisté aux cours, bien ensommeillée. Elle avait retrouvé Léo juste quelques minutes à la cafétéria le midi et avait masqué son désarroi, tant bien que mal. Elle était fatiguée, c'était tout. Ca lui passerait.
  
  L'après-midi avait été tout aussi difficile, surtout qu'elle croisa des filles qu'elle ne portait pas vraiment dans son coeur et pour qui c'était réciproque. Si Joy ne leur prêtait plus attention, celles-ci semblaient bien avoir du mal à digérer qu'elle soit avec Léo. D'habitude, ce qu'elles disaient ne l'atteignait plus, mais là, elles firent fort en appuyant sur des points sensibles. Lui balancer que si Brian l'avait laissée tomber bien qu'ils étaient très proches depuis très longtemps, c'était que Léo serait capable de faire de même quand il se rendrait compte qu'il allait gâcher ses dernières années d'études à cause d'elle, c'était méchant. Joy avait déjà constamment la peur qu'ils ne se séparent - après tout, le passé leur avait prouvé qu'à cause d'une petite dispute, tout pouvait mal tourner et là, ils s'étaient de nouveau disputés le samedi soir -, alors avec ces filles qui en rajoutaient, elle ne s'en sentait que plus... déstabilisée. Léo avait entrainement le lundi soir, elle ne put donc pas le voir et garda ses inquiétudes pour elle. Elle se coucha tracassée et passa une très mauvaise nuit une fois de plus, cauchemardant sur tous ces sujets qui lui causaient du soucis. Elle se doutait qu'elle avait du faire passer une sale nuit à sa colocataire. Quand le réveil sonna, Joy avait l'impression de sortir d'une nuit après une grosse gueule de bois. Elle était vaseuse et ne se sentait pas du tout l'envie de se lever. Elle laissa sa colocataire se préparer et partir en cours, lui disant qu'elle s'accordait une heure de sommeil en plus, comme elle l'avait déjà fait quelques fois. Elle ne se rendormit pas et cogita au contraire encore plus. Elle savait qu'elle était trop stressée et pour pas grand chose, que le médecin lui avait dit pas de contrariété. Alors elle ferma les yeux et souffla, tentant de faire le vide. Elle finit par se redresser doucement dans son lit, pour s'asseoir sur le bord. Mais la tête commença à lui tourner et elle ne se leva que de quelques centimètres pour se laisser retomber sur le lit et finir par s'allonger dessus à nouveau. Elle avait dû attraper froid l'autre jour quand elle était sortie en robe pour la soirée. Mais elle ne se sentait pas malade... juste patraque et tendue au possible. Plus elle voyait les minutes s'écouler sur le cadran de son réveil et plus elle se disait que c'était fichu pour les cours. Ca lui mettait la pression, parce qu'elle s'était dit qu'elle ne louperait plus de cours. A chaque minute, elle se disait "dans 30 minutes j'y vais". Mais 30 minutes plus tard, elle ne se sentait pas mieux. Et plus le temps passait, plus elle était assommée par le sommeil qui lui manquait. Si bien qu'elle resta toute la matinée dans son lit. Elle ne se leva pas non plus pour aller déjeuner, mais de toute façon, elle n'avait pas prévu de retrouver Léo avant le soir. Elle n'avait pas faim. Elle somnola jusqu'en début d'après-midi où elle décida de tenter à nouveau de se lever, bien décidée à y mettre toute sa volonté. Ce n'était pas sérieux de rester dans son lit comme ça. Mais une fois de plus, au moment de se lever, la tête lui tourna et elle s'aperçut qu'elle n'avait pas de forces dans les jambes. Se rallongeant, elle soupira et commença à paniquer, parce que ce n'était pas normal. Elle était fatiguée, mais d'habitude ça ne lui faisait pas ça. Elle tendit le bras pour attraper son portable sur la table de nuit, décidée à appeler Léo, mais tâtonna dans le vide, ne le trouvant pas. Elle redressa la tête et soupira. Son portable se trouvait sur le bureau, à quelques mètres d'elle. Super. Elle était en train de s'énerver toute seule. Elle se mit à sangloter et perdit la notion du temps. Combien de temps resta-t-elle comme ça à pleurer, avant de finir par somnoler ? Sa colocataire ou Léo finirait bien par arriver à un moment pour venir la réconforter ou tout simplement lui dire qu'elle ne s'inquiétait pour rien. Allongée sur le côté, tournant le dos à la porte, elle resta à somnoler un bon moment en espérant que Léo rencontre quelqu'un qui lui dise qu'il n'avait pas vu Joy de la journée, pour qu'il s'alerte et vienne voir ce qui se passait.

Un jour mère Teresa à dit : La vie est bonheur, mérite la. Je ne sais pas si j'ai réellement compris ses mots aussi bien que ces derniers temps. Voilà où je veux en venir : le bonheur est partout, dans tous les petits gestes du quotidien, dans les mots qu'on emploie envers nos proches que l'on aime, dans un sourire, dans un rire, mais encore faut il le voir, le comprendre et l'apprécier. Et c'est certainement en ça, qu'il s'agit de mériter le bonheur.
C'est pour tout ça, que j'essaye d'être le plus optimiste possible. Parce que je me dis que si j'essaye de toujours voir le bon côté des choses, et bien tout finira par être "bon". C'est peut être utopiste comme raisonnement, ou niais. Mais je suis sûr qu'au final ça paiera. Et ça paye déjà. Parce qu'avec tout les hauts et les bas qu'on peut rencontrer en ce moment avec Joy, au final il va en résulter qu'on va fonder notre famille, avoir notre bébé, et être ensemble. Je doute que ça sera aussi simple que ça. Ca ne le sera pas. Mais c'est ça le bonheur.

Aujourd'hui je n'ai pas eut de nouvelles de Joy. Ca ne m'inquiète pas vraiment. On a des journées chargées, gérer nos emplois du temps n'est pas forcément simple, mais on s'en sort.
La journée passe donc comme ça. Malgré tout j'ai une sorte de pressentiment.
Après les cours comme je n'ai pas cours - et que je sais qu'il en va de même pour Joy, je me décide à l'appeler pour voir si elle a un peu de temps à me consacrer.
J'écoute les longues sonneries du téléphone jusqu'à tomber sur la messagerie.
Assis derrière ma table à la cafétéria je fronce les sourcils. Elle est peut être occupée, mais ça ne lui ressemble pas de ne pas me répondre.
Je raccroche avant de laisser un message, puis finalement je lui écris un sms en lui demandant de me faire un signe quand elle serait disponible.
Quelque peu désœuvrer je me rends dans ma chambre pour travailler.
Une fois dans ma chambre sans grande motivation j'avise mon bureau. Je soupire. Puis mon regard se pose sur la corbeille de linge sale qui est pleine.
Oui ! Ca me changera les idées de regarder la machine à laver faire ses tours...
Je dépose mes affaires de cours sur mon lit, retire ma veste, et prends ma corbeille de linge sous le bras.
Arrivé dans la buanderie j'avise un gars qui se trouve dans la même classe que Joy. Enfin je crois... Lui semble m'avoir reconnu en tout cas se qui me conforte dans mon idée. Il m'adresse un signe de tête, j'en fais de même.
Je me baisse pour mettre mon linge dans la machine.
Alors que je lance le programme je ne peux m'empêcher de demander au gars derrière moi :
« Joy était en cours aujourd'hui ? »
Je me retourne. Il fronce les sourcils, et hoche la tête de droite à gauche.
« Il me semble pas... »
« Ok merci. »
Je regarde ma machine pensivement.
Bon... Y'a peut être pas lieu à s'inquiéter.
Nerveusement j'attends que ma machine termine.

Moins d'une heure plus tard je suis devant la porte de la chambre de Joy. J'hésite à toquer et à entrer. Ca se trouve elle va très bien, et je me fais encore surprotecteur comme d'habitude...
Et au pire quoi ?
Je toque.
Pas de réponse.
Je décide d'ouvrir la porte. Tant pis si je me suis trompé, et puis dans le pire des cas je tomberais sur Jo'. Ce n'est pas vraiment un problème.
Mais quand je rentre la chambre est plongée dans le noir.
Mes yeux mettent du temps à s'habituer à la faible lumière, mais finalement je devine que Joy est dans son lit.
Je referme derrière moi et entre dans la chambre.
« Joy ? C'est moi. Ca va ? »

• La journée avait été affreusement longue. Joy avait eu l'impression de voir toutes les minutes de chaque heure s'écouler. Elle avait pourtant somnolé, mais par tranches de 10 - 20 minutes, pour ensuite être éveillée et rester là, clouée dans son lit. Elle commençait à avoir soif, à avoir chaud et elle en avait marre d'être allongée. A plusieurs reprises, elle tenta de se relever, mais la tête lui tournait toujours autant. Alors elle cogitait. Est-ce qu'elle avait mangé quelque chose la veille qui la rendait malade ? Non, elle ne pensait pas que c'était ça. Est-ce qu'elle avait mal quelque part ? Non plus, ça n'avait pas l'air d'être un rhume. Juste un gros coup de fatigue surplombé de pas mal de stress. Parce qu'elle n'était pas naive, elle se sentait hyper tendue à cause de tous les évènements de ces derniers jours. Tout ce qu'elle espérait, c'était que quelqu'un finisse par venir dans cette chambre, parce qu'elle avait laissé son portable sur le bureau la veille et celui-ci lui était inaccessible désormais. A plusieurs reprises, elle s'énerva, sanglota, puis finit par se calmer, puisque ça ne servait à rien de dépenser de l'énergie comme ça. Peut-être qu'en fin de journée ça irait mieux, après avoir passé sa journée au lit allongée ? Surement.
  
  C'était le milieu d'après-midi, enfin, plus vers 16 heures, quand elle entendit du bruit près de la chambre. Assommée par ce sommeil étourdissant qui la prenait depuis le début de la journée, elle n'entendit que comme si c'était de loin lorsqu'on frappa à la porte. Joana avait dû laisser la porte ouverte de toute façon. La personne entra dans la chambre, Joy se força à émerger un peu, après tout, elle avait attendu cette présence toute la journée. On referme la porte et là, Joy reconnut la voix de Léo, bien qu'elle n'était qu'à moitié réveillée. Par réflexe, elle prononça un "Léo ?" d'une voix endormie et s'allongea sur le dos pour tourner la tête vers lui. Il lui demanda si ça allait alors en fronçant les sourcils, elle secoua un peu la tête et répondit : Pas tellement... Elle se racla la gorge pour avoir une voix un peu plus potable et reprit, l'anxiosité se sentant dans sa voix qui tremblait : J'ai essayé de me lever mais... pas moyen. J'ai entendu que tu m'as appelée mais je ne pouvais pas atteindre mon portable. Elle avait les larmes aux yeux parce qu'elle était inquiète. Elle passa sa main dans ses cheveux pour les pousser de son visage. Léo avait ouvert un peu les volets pour éclairer la pièce, sans pour autant éblouir Joy.

J'aurais aimé que mon pressentiment ne se vérifie pas, et que je ne retrouve pas Joy au lit, et qui me dit qu'elle n'a pas réussit à se lever aujourd'hui parce qu'elle ne se sent pas bien.
Je ne sais pas si c'est grave, si c'est lié à la grossesse ou à la fatigue, ni ce que je dois faire pour que Joy aille mieux.
Une fois les volets ouverts je m'assois sur le bord du lit, et je pose ma main sur son front brûlant.
« Tu as de la fièvre... »
Ses yeux sont rouges et gonflés. Je regrette de ne pas avoir put venir avant, ni d'avoir deviner que quelque chose n'allait pas.
Les sourcils toujours froncés je passe doucement ma main sur son visage.
« Tu as besoin de quelque chose ? Tu veux que je t'emmène voir un médecin ? »
Je me fais pressant sans le vouloir. Je déteste me sentir inutile, et dans le cas présent je ne sais vraiment pas quoi faire.
Ce n'est pas comme ses soirs où je la retrouvais ivre ou complètement défaite par les larmes....

Je me demande si elle a vraiment passée la journée seule ici, sans personne, sans même pouvoir se lever.
Je suis vraiment préoccupé, mais j'essaye de rester calme pour ne pas la faire paniquer d'avantage. J'attends patiemment qu'elle me réponde, et qu'elle me dise quoi faire. Sans elle dans ses moments là je suis perdu...

• Joy regarda Léo s'affairer dans la chambre pour y faire entrer un peu de lumière tandis qu'elle s'allongeait sur le dos pour être plus à l'aise pour parler. Finalement, elle se tourna de nouveau sur le côté, jambes repliées, la position "foetale" étant plus confortable. Il finit par venir s'asseoir au bord du lit et poser sa main sur son front qu'il trouva brulant. Non, ce n'était pas de la fièvre. Elle secoua vaguement la tête et dit : Je ne me sens pas malade, j'ai juste chaud parce que je suis dans ce lit depuis hier soir, sous une tonne de drap et avec un pyjama d'hiver. Elle voyait bien son air préoccupé et ça la faisait se sentir coupable de le mettre dans une situation comme ça. Il lui arrivait toujours des malheurs à elle. Elle soupira tandis qu'il passait sa main sur son visage et quand il lui demanda si elle avait besoin de quelque chose, une tonne d'idées lui vinrent à l'esprit. Elle avait besoin de toutes les choses dont elle aurait eu besoin en tant normal depuis la matinée. Léo posait beaucoup de questions. Joy ferma les yeux, elle avait déjà la réponse : le temps qu'on trouve un médecin qui puisse me prendre rapidement... On ferait mieux d'aller aux urgences. Je ne voudrais pas qu'il arrive quelque chose au bébé et ce n'est pas normal que je ne puisse pas me lever depuis ce matin. Il se passe quelque chose, je le sens. Elle sentit une larme perler sur sa peau brulante et bougea le bras pour l'essuyer. Elle savait juste que le médecin lui avait fortement conseillé d'éviter les contrariétés et qu'elle n'avait pas que de les accumuler. Elle était tendue à l’extrême et cette journée à s'inquiéter n'avait pas arrangé les choses. Non pas que son cas était urgent, mais il valait mieux être prise en charge rapidement pour savoir ce qui n'allait pas. Et un médecin ne ferait que de la rediriger vers les urgences. Elle avait eu assez de temps pour y réfléchir. Joy se demandait ce que les autres allaient penser en voyant Léo la porter dans ses bras jusqu'à la voiture. Peu importe, pour l'instant elle ne voulait s'assurer que d'une chose, que le bébé allait bien.

J'essaye de rester calme. Mais ce n'est vraiment pas simple. Je ne sais vraiment pas quoi faire devant quelqu'un malade ou qui ne se sent pas bien, et j'ai tendance à paniquer.
Qu'est que ce sera quand la petite tombera malade ? Je ne sais pas. Mais y'aura Joy dans tout les cas pour me dire quoi faire.
« Tu ne te sentais pas bien déjà hier soir ? Joana n'était pas là ce matin ? »
Connaissant Joy elle n'avait certainement rien voulut dire à sa colocataire pour ne pas qu'elle s'inquiète pour elle... Mais quand même !
Mon seul réflexe est de lui demander si elle veut voir un médecin. Il me semble que c'est la seule personne capable de dire si il se passe vraiment quelque chose, ou si c'est juste de la fatigue accumulée.
J'hoche la tête à ce qu'elle me répond.
« Tu as besoin de quoi avant de partir ? »
Autrement dit : s'habiller, boire quelque chose... ? Enfin j'en sais rien moi... Alors je préfère encore lui demander.

Assis à côté d'elle, je suis incapable de ne pas montrer mon inquiétude. Si elle n'avait pas été enceinte peut être que je ne paniquerais pas comme ça. Mais là il y a de quoi s'inquiéter deux fois plus. Je ne sais pas si je m'en fais vraiment pour le bébé, ou si c'est parce que Joy est plus fragile, mais c'est vraiment une situation pesante.

• Léo était en train de paniquer, Joy le voyait bien et le sentait surtout aux tonnes de questions qu'il posait à un débit rapide. Elle stressait déjà assez pour ne pas rajouter le stress de Léo en plus. Si ça se trouvait, elle n'avait rien à part un gros coup de fatigue. Si, ça allait hier soir, comme d'habitude quoi. J'ai juste mal dormi, et quand Joana s'est levée ce matin je lui ai juste dit que je m'accordais une heure de plus à dormir parce que je pensais que ça passerais rapidement. Par "ça", elle voulait dire la tête qui tournait. Bref, elle avait déjà perdu assez de temps dans la journée et plutôt que de penser médecin, elle pensa directement urgences pour être prise en charge au plus vite et régler le problème rapidement. Léo semblait avoir du mal à gérer alors elle tâchait de se concentrer et de réfléchir à ce dont elle aurait besoin, mais en fait, rien ne lui venait à l'esprit. Ils verraient plus tard pour les affaires. Elle posa sa main sur celle de Léo et le fixa droit dans les yeux, se concentrant pour parler posément : Léo, détends-toi ok ? Je ne suis pas mourante, si ça se trouve, c'est juste un petit truc de rien du tout. Alors ne panique pas avant le verdict. Elle soupira puis chercha un objet du regard dans la chambre avant de reprendre : Prends juste cette couverture polaire, je la mettrais sur moi pour éviter d'avoir froid dehors. Et c'était aussi un moyen en même temps de garder un peu de dignité, sachant que les autres allaient les regarder avec curiosité, puisqu'ils allaient devoir traverser le bâtiment pour rejoindre le parking. Elle bougea un peu, pour se redresser un minimum, au prix d'efforts qui lui paraissaient insurmontables. Elle respira comme si elle était essoufflée, sentant son coeur battre à 100 à l'heure. Elle releva les yeux vers Léo, ils n'avaient plus le temps de réfléchir, autant partir tout de suite. Il se leva et elle tendit les bras pour les passer autour de son cou, essayant de se faire légère pour qu'il la soulève du lit. Elle attrapa la couverture qu'il lui avait ramenée et la mit complètement sur elle, avant de passer de nouveau ses bras autour du cou de Léo et d'appuyer sa tête contre son épaule, fermant les yeux tendit qu'il marchait en direction de la porte de la chambre, puis de la voiture. Elle entendit bien qu'ils passèrent devant quelques personnes, certaines se demandant ce qu'elle avait, mais Léo ne répondit pas aux questions posées. Ils n'avaient plus qu'un seul objectif : se rendre aux urgences rapidement.

Je fronce les sourcils. Que puis je dire de plus ?
Elle est souvent fatiguée c'est derniers temps, je ne vais pas lui reprocher de ne pas s'être plus alarmée au début. Et puis ça ne servirait à rien.
Je soupire. Je n'aime vraiment pas ce genre de situation que je ne sais pas comment gérer.
J'essaye de me rendre utile et de lui demander de quoi elle pourrait avoir besoin. Elle semble beaucoup plus calme que moi, mais aujourd'hui ça ne m'aide pas à me sentir plus en sécurité. Je crains le pire et je ne sais pas si c'est à tord ou à raison.
J'hoche la tête à ce qu'elle me dit même si je ne suis pas convaincu, je prends une grande inspiration et tente de faire le vide.

J'attrape la couverture et la lui pose dessus en silence. Je vérifie que mes clefs de voiture soient sur moi, ainsi que mes papiers, et tout ce dont je pourrais avoir besoin, et me baisse.
Sans dire un mot je la prends dans mes bras. Je la laisse mettre la couverture sur elle.
J'ai l'impression que le trajet pour se rendre jusqu'à la voiture est interminable. Je ne fais pas attention aux regards des gens et aux questions muettes qu'ils se posent. Tant pis si ça fait du bruit cette histoire. Nous ne sommes plus à ça près et je suis trop inquiet pour réfléchir à se que vont penser les gens de nous.
Je sens que Joy est toujours brûlante contre moi, mais je ne veux pas la découvrir, il fait bien trop froid dehors.
Tout en marchant je réfléchis à comment je vais l'installer dans la voiture. Et réflexion faite, derrière ça sera le mieux.

Arrivés à la voiture, j'ai un dilemme. Comment ouvrir la portière sans déranger Joy... ?
Je soupire, mais au même moment quelqu'un s'approche.
Je le connais, il est dans ma classe.
Il semble inquiet, et me demande ce qu'il se passe.
« Faut que je l'amène à l'hôpital, tu peux ouvrir la voiture ? »
Je secoue doucement les clefs qui sont dans ma main pour les lui montrer, et naturellement il ouvre la portière arrière.
Je le remercie, place Joy tant bien que mal dans la voiture.
Le visage fermé je récupère mes clefs sous le regard inquiet de l'étudiant. Il ne rajoute rien.
Je pars sans trop me préoccupé de lui.

• Le reste des évènements se déroula sans beaucoup plus de paroles. Joy était fatiguée et Léo était fermé comme une huitre, son inquiétude se ressentant à des kilomètres à la ronde. Il lui donna la couverture et la prit dans ses bras tandis qu'elle mettait cette couverture sur elle, avant de poser sa tête contre le torse de Léo, fermant les yeux. Elle n'avait pas envie de voir tous les curieux les dévisager et ni même entendre leurs remarques. Elle essaya de faire abstraction de tout, tandis que Léo l'emmenait jusqu'à la voiture. Elle sentit le vent frais lui caresser le visage alors qu'ils traversaient le parking. Léo finit par s'arrêter au bout de ce qui lui parut une éternité. Elle ouvrit les yeux en l'entendant parler et vit qu'un autre gars l'aidait à ouvrir la porte de la voiture. Léo allongea Joy à l'arrière et boucla une des ceintures pour avoir un minimum de sécurité. Allongée sur le côté, elle passa son bras sur la couverture que Léo avait installée sur elle. Elle avait chaud, mais bien moins que lorsqu'elle était dans son lit. Elle entendit la porte claquer et Léo s'installer à l'avant de la voiture, toujours en silence. Elle le regarda faire, puis démarrer la voiture. L'université se trouvait à dix minutes environ de l'hôpital. Au bout de quelques minutes, le bruit de moteur l'étourdissant, elle décida de se redresser tant bien que mal, gémissant au passage.
  
  Et là, tout se passa vite. Elle vit Léo tourner la tête pour regarder ce qu'elle était en train de faire, un peu trop longuement peut-être, inquiet. Au même moment, la voiture continuait d'avancer, traversant un carrefour alors que le feu venait de passer au rouge. Joy aperçut du coin de l'oeil une masse se diriger droit sur eux, sur le côté de la voiture et elle eut à peine le temps de crier un "Léo attention" que la deuxième voiture entra en collision avec la leur, les percutant directement sur le côté avec grand fracas. Les vitres explosèrent, Joy fut projetée de l'autre côté de là où elle était assise, l'airbag se déclencha devant Léo. Ils avaient été percutés du côté où ils étaient tous les deux assis. La voiture fut poussée sur plusieurs mètres par l'autre tandis que des bruits de klaxon se déclenchèrent. Joy, qui s'était cognée la tête contre la structure de la voiture perdit connaissance quelques secondes, avant de se réveiller tandis que la voiture s'immobilisait. Elle vit les airbags autour de Léo se dégonfler. Il devait avoir perdu connaissance. Elle ne s'entendit même pas l'appeler, mais sentit un liquide chaud couler contre son visage avant de perdre connaissance à nouveau.

Le bip régulier produit par je ne sais quoi achève de me réveiller.
Je fronce les sourcils. Mes paupières sont lourdes, j'ai du mal à ouvrir les yeux.
Et là je commence à paniquer. Je fais un gros effort pour tenter de les ouvrir, avant de les refermer car la lumière blanche m'éblouit.
J'entends les "bips" accélérer leur cadence.
Je ne comprends pas, j'ai mal quand je respire.
Au bout de quelques secondes je sens des gens autour de moi, mais je n'arrive pas à ouvrir les yeux. Puis tout est noir.

A nouveau le bip...
Cette fois ci je n'ai pas de mal à sortir de mon semi comas.
Il y a quelqu'un à côté de moi.
J'ouvre les yeux mais ne fais pas de bruit. La personne dans la pièce ressemble de près à une infirmière...
Qu'est qui c'est passé ? Et où je suis ?
D'un coup elle se retourne.
« Ah ! Vous êtes enfin réveillé ! On n'y croyait plus. Je reviens, je vais prévenir le médecin. »
Elle s'en va sans rajouter quoi que se soit.
Je bouge la tête, avant de me crisper, j'ai mal à l'épaule. Tant pis. Près de moi il y a une fenêtre. Il fait nuit dehors.
Un rapide coup d'oeil m'informe qu'on est à l'hôpital. Comment j'ai atterrit là ?
La porte s'ouvre à nouveau, plusieurs blouses blanches entre dans la chambre.

• Joy avait été la première à se réveiller. Bien qu'elle aurait préféré finalement ne pas se réveiller.
  
  Elle perdit rapidement connaissance dans l'accident, s'étant fortement cognée la tête, ayant été projetée de l'autre côté de la voiture en quelques centièmes de secondes. Elle ne reprit connaissance que de longues heures plus tard, dans une chambre d'hôpital à la luminosité aveuglante. Elle était dans les vapes et mit de longues minutes à émerger, son réveil étant rythmé par des bruits parasites d'appareils bipant à côté d'elle. Rapidement, des personnes qu'elle devina être des infirmières et médecins vinrent s'occuper d'elle, parlant à côté d'elle. Elle ne put distinguer et surtout comprendre clairement leurs conversations au départ. Elle finit par somnoler et quand elle revint vraiment à elle cette fois, on lui expliqua tout ce qu'il s'était passé. L'accident restait flou pour elle. Mais surtout, on lui expliqua que Léo était toujours inconscient et qu'elle avait perdu le bébé.
  
  A partir de là, Joy perdit pied. Les deux personnes qui comptaient le plus pour elle depuis des mois étaient touchées par cet accident. Et si Léo ne se réveillait pas ? Les infirmières la rassurèrent rapidement sur ce point-là, mais une fois que cette inquiétude fut apaisée, elle réalisa pleinement ce que lui avaient dit les infirmières. Elle n'était plus enceinte. Sa fille, leur fille était morte. A cause de ce stupide accident. Parce qu'elle ne s'était pas sentie bien. Un poids énorme de culpabilité s'abattit sur elle ainsi qu'une peine impossible à mesurer. Évidemment, les larmes brulantes coulèrent sur ses joues et elle pleura d'un chagrin comme elle n'avait jamais eu avant. C'était comme si une partie d'elle était partie avec ce bébé. Tous ses espoirs, ses projets, son avenir s'effondrait. Elle avait été tellement de bonne humeur récemment que la chute était radicale et difficile. En plus, pleurer lui faisait mal partout. Elle avait des côtes fêlées, des hématomes partout, mais cela ne lui paraissait qu'indolore comparé à la douleur qu'elle ressentait face à cette nouvelle. Elle demanda à être seule. Elle n'avait pas besoin de spectateurs face à son chagrin. Elle passa des heures à pleurer. Il faisait nuit et elle avait perdu toute notion du temps. Plus tard, des infirmières finirent par venir lui injecter un produit qui la "shoota", la rendant somnolante pour éviter de souffrir plus, pleurer n'aidant pas à apaiser la douleur que lui procuraient les cotes fêlées. Elle somnolait encore quand elle entendit du bruit dans la chambre. Visiblement, ils emmenaient un autre lit dans la chambre, qui était censée être double. Mais elle était allongée de façon à tourner le dos à l'entrée de la chambre et ne fit pas d'effort pour se retourner voir ce qu'il se passait. Elle voulait juste oublier. Oublier ce qu'il s'était passé, ce qu'elle vivait et le vide qu'elle ressentait en elle. Tout ce bruit lui redonnèrent cependant pleinement conscience et avec le sommeil qui s'en allait, les larmes revenaient, son chagrin s'exprimant en silence, la douleur étant insoutenable.

« Suivez la lumière. »
La lampe devant mes yeux m'éblouit mais je m'exécute. Je n'arrive pas à remettre les évènements dans leur contexte. Comment est que je suis arrivé là ?
« Comment vous appelez vous ? »
Je m'entends répondre "Léo Del Lucas" d'une voix qui ne semble pas m'appartenir. J'ai la bouche pâteuse, et j'ai mal à la gorge. Ou plutôt ma gorge me brûle, un peu comme si quelqu'un avait tenté d'enfoncer quelque chose de force dans ma bouche. Me vient à l'esprit que je suis dans un hopital et que c'est peut être normal.
« Quel age avez vous ? »
Je lui réponds à nouveau par la bonne réponse, il hoche la tête en lisant mon rapport.
« Et bien Mr. Del Lucas vous avez été victime d'un accident de voiture, qui n'a produit aucun mort, mais qui a fait de nombreux blessés, bien que vous soyez un de ceux les plus touchés.
Vous avez passé environ 5 heures dans le comas, vous avez de nombreuses fractures : tibia, fémur, côtes - 2, et l'omoplate. Tout du côté droit. Vous ne semblez pas avoir de traumatisme crânien, mais une série d'examen sera nécessaire... Pour le reste, bleus, et coupures, dont une profonde à l'arcade sourcilière gauche.
Vous avez de la famille à prévenir ? »
Je n'ai pas vraiment assimilé tout ce qu'il vient de me dire. Sa voix blanche ne m'inquiète ni ne me rassure... Mais le fait que j'ai que j'ai eut un accident, et que je ne m'en souviens pas me rend nerveux. Je le cache tant bien que mal, mais ce n'est pas facile avec cette machine qui reproduit les battements de mon coeur. Le médecin ne semble pas y faire vraiment cas pour le moment.
Machinalement je réponds qu'il faut prévenir ma mère et je lui donne mes coordonnés. Malgré tout je lui dit d'attendre qu'il fasse jour pour l'avertir. Je suis en vie, pas besoin de l'inquiéter plus qu'il ne le faut, si je n'ai que de simple blessure ce n'est pas si grave.
« Qu'on... Les autres ? »
Il semble avoir un moment d'égarement, et pendant quelques secondes je me demande si il va me répondre.

Joy était avec moi dans l'accident.
J'ai certainement dut changer de couleur quand j'ai appris cette nouvelle. Ou du moins je devais faire vraiment une sale tête, parce que l'infirmière présente c'est tout de suite emballée. J'essaye de bouger...
C'est la seule chose que je me souvienne. En quelques secondes je dors à nouveau assommé par la morphine.


Quand je me réveille, les murs n'ont pas changé de couleur, mais la chambre semble plus grande. Je suis toujours sur le dos, j'essaye de bouger la tête, mais on m'a calé de façon à se que je ne puisse pas le faire, de plus j'ai mon épaule qui me lance. Enfin, comme le reste de mon corps d'ailleurs.
Mais il y a un autre "bip", que le miens. Je fronce les sourcils, et dans un effort qui me fait serrer les dents je tourne la tête.
Je respire fort et ce à cause de la douleur, les "bips" se sont emballés, mais il n'y a pas d'infirmière près de moi.
Un instant je reste interdit me demandant si c'est pas les médicaments qu'ils me donnent qui me font avoir des hallucinations.
« Joy ? »
Ma voix ne ressemble à rien, et est étouffée, mais je n'ai pas la force de faire mieux.

• Joy ne pouvait plus penser à autre chose que ça, ni faire autre chose que penser à ça. C'était une douleur insoutenable que de ressasser tout cela. Si elle n'avait pas de souvenir de l'accident, savoir que Léo aurait pu mourir à cause d'elle et que le bébé était mort à cause d'elle était juste la peine la plus difficile qu'elle ait eu à supporter. Parce que si elle avait réagit avant, peut-être qu'ils n'auraient pas pris la voiture et que cet accident ne serait jamais arrivé. Comment allaient se dérouler les choses maintenant ? Les médecins l'avaient informée des blessures de Léo. Leurs vies allaient être bouleversées. Leurs projets s'effondraient.L'avenir de Joy aussi. Elle ne se voyait plus autrement qu'avec un bébé, alors savoir qu'elle allait devoir faire comme si elle revenait des mois en arrière, bien que les choses étaient changées puisque Léo n'allait pas pouvoir bouger comme il le voulait, c'était comme ne plus avoir d'avenir. Elle était déprimée comme elle ne l'avait jamais été. Et la peine psychologique surpassait celle physique, bien que son dos et sa tête la faisaient tout autant souffrir que ses côtes. Elle avait une commotion cérébrale d'après ce qu'on lui avait dit. Il fallait qu'elle reste sous surveillance. De toute façon, elle ne se voyait aller nul part. Elle ne se voyait même pas non plus parler avec Léo. Elle ne pouvait plus parler, tout n'était que peine et douleur. Pleurer était la seule chose dont elle était encore capable.
  
  Elle ne se retourna pas en entendant du bruit, elle préférait rester somnolente. Pourtant, de longues minutes plus tard, une voix résonna dans la chambre, une voix qu'elle reconnut bien qu'elle était différente. Les bips l'assourdissaient, et finalement elle ne voulut pas se retourner. Pour montrer quoi, qu'elle pleurait ? Autant qu'il se repose, il la croirait endormie. Bon, sa respiration et ses battements de coeur trahissaient qu'elle était réveillée et qu'elle n'était pas sereine, mais tant pis. Léo devait d'abord aller mieux avant de la voir complètement anéantie, ce qui lui ferait du mal aussi.

Je sais qu'elle ne dort pas. Même si elle a surement envie de me faire croire le contraire.
Et c'est assez blessant. Parce que je m'inquiète. Le médecin ne m'a rien dit sur son état, juste qu'elle était blessée. Je ne sais pas ce qu'il en ai du bébé, et sur son état physique ou mental. Personne n'a rien voulu me dire. Et je déteste ne pas savoir. Comme je déteste ne pas comprendre comment je me suis retrouvé dans ce lit d'hopital...
Et quand j'ai l'impression de mener un fil de raisonnement logique, les drogues qu'ils m'ont donné prennent le relais et je ne suis plus vraiment opérationnel.
Je bouge la tête pour me repositionner dans la position initiale.
« Tu es réveillée depuis longtemps ? »
Je parle doucement, et je met du temps à bien articuler mes mots, mais tout ce que je dis est compréhensible. J'aimerais pouvoir me lever, mais j'en suis incapable.
A première vue, mon bras droit est utilisable, l'autre est attelé sur mon torse.
Ma jambe entière est attelée elle aussi, et je ne peux pas la bouger. Je n'ai pas envie d'essayer d'ailleurs, ça me fait suffisamment souffrir sans que j'ai besoin de la bouger.
J'ai un violent mal de crâne aussi qui ne va pas en s'arrangeant.
Mais je suis en vie.
Je doute réaliser la chance que j'ai...

Mais malgré tout ce que je peux avoir, il n'y a qu'une chose qui me préoccupe, c'est Joy. Je me contre fiche de se que j'ai, et des blessures, moi ce que je voudrais savoir c'est comme elle va... Mais ça risque d'être dur si elle refuse de me parler.

• Joy pensait que son silence serait clair. S'il ne la croyait pas endormie, au moins il pourrait se douter qu'elle ne voulait pas parler. Elle était morte d'inquiétude pour lui aussi, mais sa tristesse surpassait cette inquiétude et la paralysait. Toute parole était une souffrance, surtout qu'elle ne voulait pas avoir à s'expliquer. Elle laisserait les médecins faire. Comment faire passer le message ? Peut-être qu'elle n'avait pas besoin de beaucoup de mots. Son intonation suffirait. Sans bouger, elle prit une un peu plus grande inspiration, ce qui la fit gémir de douleur à cause de ses côtes qui lui infligeaient une douleur fulgurante à chaque trop grande respiration. Puis elle lui dit, sa voix reflétant involontairement son état d'esprit, c'est-à-dire de la peine immense mélangée à de l'inquiétude : Je n'ai pas envie de parler. Elle s'arrêta, histoire de respirer un peu, ayant l'impression d'avoir couru le marathon, se forçant à respirer par petites bouffées d'air. Repose-toi, les médecins expliqueront tout plus tard. Rien que de dire ces deux phrases avait pris bien plus de temps que d'habitude. Joy n'avait pas encore vu de ses propres yeux dans quel état était Léo, mais elle savait que comme elle, il n'avait pas eu de chance au niveau de ses côtes et qu'ils étaient tous les deux dans la même situation pour respirer. Bref, pas besoin de l'inquiéter plus avec son état dépressif. Sa voix trahirait surement assez ses pensées et connaissant Léo, même avec le cerveau ralenti par un accident, il s'inquiéterait. Le silence s'installa de nouveau et Joy retombait dans un état de semi-sommeil.
  
  Elle ne sut pas combien de temps cela dura, mais elle fut réveillée presque en sursaut par l'arrivée d'un médecin et d'une infirmière qui entrèrent dans la chambre. L'infirmière vint vers elle pour vérifier ses perfusions, son rythme cardiaque, etc. Elle n'avait pas bougé d'un centimètre. Elle croisa le regard de l'infirmière qui vit surement ses yeux rouges et son visage décomposé à force d'avoir pleuré. Joy secoua imperceptiblement la tête pour faire passer un message silencieux qui voulait dire "je n'en peux plus". Elle préférait qu'elle l'assomme de morphine, au moins, elle ne souffrait plus, aussi bien physiquement que mentalement à ce moment-là. Pendant ce temps-là, le médecin s'adressa à Léo et finit par lui expliquer tout ce qu'il s'était passé. Léo lui demanda bien évidemment des informations sur l'état de santé de Joy vu qu'elle ne voulait pas les livrer elle-même. Joy écouta tout ce que le médecin disait et quand il expliqua à Léo qu'elle avait perdu le bébé, elle sentit à nouveau cette même douleur, comme si on lui transperçait le coeur. C'était bien trop dur à entendre. Elle ne réalisait pas en fait. En quelques secondes, à cause d'une voiture, 5 mois de vie avec ce bébé s'étaient brisés. C'était plus qu'elle ne pouvait supporter. Elle se remit à sangloter, serrant les points en même temps pour oublier à quel point pleurer la faisait souffrir. L'infirmière finit par injecter de nouveau de la morphine, au moins pour apaiser la douleur. Joy ne pouvait pas voir la réaction de Léo. Elle décida donc de se tourner - et mit bien quelques longues secondes à faire cela au moins - pour observer au moins son visage. Qu'est-ce qu'il ressentait ? Il n'avait jamais été aussi emballé qu'elle à l'idée d'avoir ce bébé. Peut-être une part de lui se réjouissait-elle ? Non, penser cela lui faisait de la peine. Son visage à elle devait faire pitié à voir tellement elle avait pleuré. Mais au moins maintenant, il savait pourquoi.

Dans d'autre circonstance je me serais sans doute énervé. Ou plutôt je le suis. Je déteste cette tendance qu'à Joy à se défiler. Je suis dans le même pétrin qu'elle ! Moi aussi dans un lit d'hopital, alors je pense qu'on devrait un minimum partager cette épreuve.
Je me passe de commentaire, mais l'espace d'un instant j'oublie tout l'attelage que j'ai sur moi, et je tente de me dégager. J'esquisse une grimace, et respire un bon coup. La morphine cesse de faire son effet petit à petit, et j'ai l'impression que tous mes os sont broyés. Impossible de fermer l'oeil.

Au bout d'un temps qui me parait infiniment long à attendre seul dans cette chambre avec pour seule compagnie les deux électrocardiogrammes, quelqu'un entre dans la pièce. Ou plutôt plusieurs personnes. Il y a en tout et pour tout, trois infirmières et un médecin. Celui qui est venu me voir plutôt.
Les infirmières s'approchent de nous pour vérifier que tout est en règle. Celle qui s'occupe de moi est entrain de préparer la prochaine injection de morphine, mais avant je veux parler avec le médecin.
Comme la première fois qu'il est venu me voir il hésite à me parler, et puis finalement, il m'annonce la sinistre vérité. Joy a perdu le bébé.
Juste après m'avoir annoncé ça de but en blanc, je rentre dans une nouvelle phase à moitié drogué. Mais je crois que je préfère les brumes indécises délivrées par la morphine plutôt que de tenter de réfléchir à tout ce que cela implique.
J'aurais aimé que mon cerveau tourne complètement à vide. Mais ce n'est pas le cas.
Cette fois ci je ne tourne pas la tête vers Joy, ça me fait trop mal, et puis je ne sais même pas quoi dire, je suis bien trop "shooté" pour trouver quoi que se soit de réconfortant à dire.

• Joy se sentait seule face à tout ça. La vérité c'était qu'elle l'était. Les médecins compatissaient mais n'étaient pas dans sa vie et ne pouvaient pas savoir à quel point pour elle il ne s'agissait que d'un échec en plus. Toute sa vie se résumait à ça. Quelques jours de bonheur pour finir par un échec monumental. Quant à Léo, il était trop blessé pour y réfléchir. Et puis même, elle le connaissait assez pour se dire qu'il n'allait pas lui laisser entrevoir les sentiments qu'il avait. Au fond, il n'avait jamais non plus été pour avoir ce bébé. Même si dernièrement il semblait plus apprécier la situation, il avait été le moins enthousiaste des deux. Et si au fond de lui, une part de lui se réjouissait de la mort de ce bébé ? Non, rien que d'y penser, Joy fut parcourue par un frisson. Elle était donc seule face à la situation et à ses sentiments. Elle n'arrivait plus à imaginer un avenir. Comment allaient-ils faire ? Ils allaient finalement rester à vivre chacun de leur côté ? Elle allait devoir reprendre les cours et faire comme si tout cela n'avait été qu'une parenthèse de sa vie ? Impossible. Pour le moment, ses pensées se résumaient à cela : broyer du noir.
  
  Tournée vers Léo, elle le regarda s'endormir alors que la morphine faisait son effet. Elle avait eu une dose moins forte et luttait contre le sommeil qui se faisait pesant. Le voir dans ce lit d'hôpital était aussi dur à digérer. Il n'avait pas réagit en apprenant la nouvelle et ne pas savoir mettait Joy dans un état de stress encore plus important. Elle somnola pendant plus d'une heure, mais d'un repos agité et quand la morphine commença à s'atténuer dans son corps, elle sentit l'angoisse refaire surface. Le médecin lui avait expliqué que c'était cela qui avait dû causer ces problèmes le matin même quand elle n'avait pas réussi à se lever. Le stress, l'inquiétude et la fatigue avaient fait une mauvaise combinaison mais au final, seuls quelques jours d'hôpital et un traitement auraient suffit à la remettre sur pied. Au lieu de cela, tout avait viré à la catastrophe. Repenser à tout cela la paniquait. Elle sentait qu'elle arrivait à saturation. Elle n'arrivait pas à s'arrêter de pleurer. En plus, elle en avait marre de rester ici à ne pas bouger. En s'énervant, la machine qui suivait les battements de son coeur s'affola, faisant un bruit épouvantable dans cette chambre. Une infirmière affolée rentra et lui demanda ce qui n'allait pas. Se calmant pour parler, Joy lui expliqua son problème, enfin il n'y avait pas besoin tellement d'en dire beaucoup pour que l'infirmière comprenne. Après avoir discuté 5 minutes avec elle, l'infirmière lui expliqua que le médecin allait lui donner un traitement pour l'apaiser, mais aussi pour traiter la dépression qui s'annonça. Joy se calma et en attendant, l'infirmière lui injecta des tranquillisants pour éviter qu'elle ne s'agite alors qu'elle avait mal partout. Elle finit par se tourner à nouveau vers la fenêtre - tournant donc le dos à Léo - pour regarder dans le vide, sans penser à rien. Ils auraient bien assez le temps de discuter avec Léo quand il se réveillerait, bien qu'elle n'avait pas du tout envie d'entamer une discussion du genre avec lui.

J'ouvre à nouveau les yeux. Il fait toujours nuit. Je n'ai aucune notion du temps, ni de combien de minutes ou heures j'ai bien put dormir depuis que j'ai ouvert les yeux quand on m'a déplacé dans la chambre où était Joy.
J'ai mal partout, bien que je me doute que sans les médicaments se serait largement plus pénible. Mais au moins j'arrive à réfléchir un minimum.
Je me rappelle de ce que m'a annoncé le médecin avant que je ne m'endorme un nouvelle fois. Joy a perdu le bébé dans l'accident. Accident dans lequel c'était moi le conducteur fautif. Je doute qu'elle me le pardonne un jour. Elle a mit tant d'espoir dans cette vie à venir, qui n'aboutira jamais... Et malgré tout je lui en veux.
Je lui en veux d'avoir refuser de me parler quand je me suis réveillé auparavant. Qu'on soit en vie ne semble pas suffisant pour elle. Je la connais, et je n'ai pas besoin de la voir en face de moi pour connaître son état d'esprit. Je lui en veux parce qu'elle refuse de se battre une fois de plus.
Rapidement je me perds à nouveau dans les bras de morphée.

Sommeil sans rêve. Je n'ai jamais été autant dans un hopital, du moins pas en temps que patient. Mon rôle à toujours été de veillé le malade. Je déteste avoir à subir cette attente. De plus je sais que dans quelques instants, peut être d'un moment à l'autre, ma mère va arriver, qu'elle va me poser des questions auxquelles je ne saurais pas répondre, et qu'elle va parler du bébé. De cette petite fille qu'on aura jamais.
Je n'arrive pas à me décider à savoir si je suis triste, ou soulagé. Peut être un peu des deux, mais les anti douleurs brouillent mes pensées.
Mais maintenant il fait jour. C'est un nouveau jour.
Je bouge mon bras qui est libre de ses mouvements, je remarque pour la première fois la perfusion, et exquise une grimace. J'essaye de me redresser pour voir l'étendu des dégats sur mes jambes mais j'en suis incapable. J'étouffe un excès de douleur et serre les dents. Je me laisse tombé sur le lit dans un sentiment de rage. Le moniteur s'emballe. Il faut que je me calme ou alors une blouse blanche va encore rappliquer...

• Combien de temps Joy resta-t-elle à regarder dans le vide par la fenêtre ? Elle n'en avait aucune idée. Elle vit sans tellement s'en rendre compte le jour se lever, la luminosité se faisant de plus en plus intense par la fenêtre. Elle ne pleurait plus, non, elle était vidée de toute émotion, sauf d'une, la tristesse. Elle avait mal et elle ne pouvait pas le décrire. Sa réaction pouvait paraitre méchante envers Léo, mais au fond, c'était juste qu'elle ne pouvait pas encore s'exprimer là dessus, c'était trop frais. Enfin bon, Léo ne cherchait pas non plus à communiquer. Et elle doutait qu'il le fasse vraiment à un moment. Elle l'entendit bouger dans son lit avant de se rallonger. De longues minutes passèrent encore, jusqu'à ce qu'on vienne leur apporter le petit déjeuner. Joy n'avait pas faim, elle refusa donc le repas qu'on lui apporta. Elle se connaissait et ce genre de réaction amorçait le début d'une période difficile. Mais elle ne se voyait pas réagir autrement. C'était encore un autre deuil à faire, trop brutal, comme celui de son frère, et elle ne se sentait pas assez forte mentalement pour y faire face.
  
  Léo dût accepter le petit déjeuner puisqu'elle entendit du bruit. Elle ne bougea pas de toute la matinée. Seul le bruit des moniteurs résonnaient dans la chambre. Le silence de Léo voulait aussi tout dire. Mais il fut rompu par l'entrée d'une personne autre que les médecins : la mère de Léo. Ils avaient dû l'appeler et bien évidemment, elle entra en panique dans la chambre. Joy laisse Léo et sa mère discuter tranquillement tandis qu'il lui expliquait la situation. Elle avait besoin d'être rassurée, c'était normal. Elle écouta d'une oreille distraite leur discussion. Elle aurait aimé elle aussi pouvoir discuter avec Léo, le prendre dans ses bras, ou au moins lui tenir la main. Mais elle ne pouvait pas, pas pour le moment. Quand Léo annonça à sa mère qu'elle avait perdu le bébé, elle sentit un silence pesant s'installer et des regards posés sur elle. Peut-être que la mère de Léo comprendrait mieux ce qu'elle pouvait ressentir. C'était une telle fusion le lien qu'entretenait une mère avec son bébé que Léo ne pouvait pas comprendre à quel point Joy se sentait mal. Ce n'était peut-être pas une douleur physique, mais ça pouvait largement surpasser celle-ci. Elle entendit la mère de Léo se déplacer et la vit apparaitre dans son champ de vision, prenant une chaise pour venir s'assoir près d'elle. Depuis qu'elle l'avait rencontrée, elle s'était appelées régulièrement et Joy avait noué un lien comme celui mère/fille avec la mère de Léo. Celle-ci lui prit la main, son regard reflétant compassion et chagrin. Joy serra sa main et de voir quelqu'un s’apitoyer sur elle lui redonna les larmes aux yeux. Sa mère entama la discussion et si Joy se fit un peu réticente au début, elle finit par ouvrir son coeur à la mère de Léo, chuchotant comme si elle voulait cacher sa peine. Léo pouvait en même temps enfin entendre ce qu'elle racontait. C'était le discours d'une mère dévastée par la perte de son bébé. Elle peina à décrire la douleur qu'elle ressentait, combien elle se sentait coupable parce qu'elle lui expliqua que c'était de sa faute s'ils avaient eu cet accident, si Léo était à l’hôpital et si leur bébé était mort. Sa vie n'allait juste plus du tout être la même.

Je savais que j'allais avoir de la visite. Je me souviens avoir signaler hier qu'il y avait au moins une personne de mon entourage à prévenir, et que c'était ma mère. Et à ma demande ils ont attendu le matin pour l'appeler, pour ne pas l'inquiéter, ainsi elle n'allait pas passé une mauvaise nuit.
Aussi ne suis je pas étonné quand je la vois apparaître dans l'encadrement de la porte. Elle est comme d'habitude habillée soigneusement, bien qu'elle reste simple, ses cheveux bruns sont détachés et tombent sur ses épaules. Elle est sèche et petite. Ses yeux sont clairs. On m'a toujours dit que j'ai ses yeux...
Ca me fait du bien de voir un visage familier, bien que se dernier sois emprunt d'inquiétude.
Elle me presse de tout un tas de questions. Je la laisse s'énerver seule, puis une fois qu'elle semble plus calme, je lui raconte se qu'il s'est passé. Enfin, de ce dont je me souviens plutôt, c'est à dire pas grand chose.
Ce qui est bien avec ma mère c'est que même si au première rapport elle semble sévère et sûre d'elle, elle est en réalité très douce et compréhensive... Aussi il ne lui faut qu'un quart de seconde pour comprendre pourquoi l'atmosphère de la salle est si tendu. Je crois qu'elle n'avait pas besoin que je lui dise qu'il n'ait plus question d'avoir un bébé.
Rapidement son regard se tourne vers Joy à côté de moi. Elle me jete un coup d'oeil puis j'hoche la tête. Après avoir laisser son sac et sa veste sur la chaise près de moi elle s'en va voir Joy.

J'écoute en silence.
Parler me fais mal de toute façon.
Je ne sais pas quoi penser de tout ce que j'entends.
J'aimerais que ce moment soit plus intime. J'aimerais pouvoir prendre Joy dans mes bras et la rassurer que ce n'est pas de sa faute si cet accident c'est produit, mais plutôt de la mienne, après tout c'est moi le chauffeur imprudent.
Mais j'en suis incapable. Pas seulement parce que je suis dans l'incapacité de me lever de ce lit, mais parce que je sais que je serais incapable de faire comme si tout était normal. Je n'ai pas la force de me battre pour deux en ce moment. Et Joy n'y met pas du siens.
Je sens le regard de ma mère se poser sur moi, et aussi que Joy semble s'être calmée. Mais je continue de fixer droit devant moi.
Cette situation me gêne, et je ne sais vraiment pas comment l'appréhender.
Tout redevient calme dans la chambre.
Au bout de quelques secondes ma mère casse le silence.
« Je vais appelé Gabriel pour le rassurer. »
Elle me lance un regard entendu, cherche quelque chose dans son sac, et prend rapidement le chemin de la sortie.
Comment entamer la discutions avec quelqu'un qui n'a pas envie de nous parler ? Est que j'ai envie de lui parler seulement ?

• Parler à la mère de Léo avait fait du bien à Joy. Au moins, elle avait eu quelqu'un à qui se confier. C'était ce qui était plutôt étrange dans sa relation avec Léo. Ils étaient évidemment très proches, mais dans certains cas une barrière pouvait vite de dresser entre eux, les bloquant complètement. Joy avait cette attitude quand tout allait mal et qu'elle se sentait perdre pied. C'était à la fois une façon de se protéger et en même temps d'éviter de reprendre son malheur partout. Léo aurait dû comprendre pourtant puisqu'il était le premier à se renfermer pour éviter de blesser les autres. Joy était donc seule face à ce désarroi, à cette douleur alors qu'il s'agissait de leur bébé. La mère de Léo finit par quitter la pièce et le silence s'installa à nouveau. C'était pesant, mais Joy ne voyait pas comment le briser. Toute la journée se déroula ainsi, le silence n'étant brisé que par l'entrée d'infirmières ou de médecins. Non pas que Joy et Léo passaient leur temps à s'ignorer, mais aussi et surtout beaucoup de temps à dormir. La journée parut être une éternité à Joy, qui de toute façon n'avait plus grand chose de positif auquel se raccrocher. Elle sentait qu'elle allait déprimer et c'était déjà le cas. Elle essayait de se raccrocher à la pensée qu'elle avait toujours Léo, mais ce n'était pas suffisant. Sa nuit fut agitée par des cauchemars qui la réveillèrent en la faisant gémir de douleur à cause de ses côtes. Elle n'était pas du genre douillette, mais là, c'était différent. Elle ne contrôlait pas ses mouvements la nuit, alors c'était plus douloureux. Contrairement à Léo, elle se souvenait des quelques secondes avant l'impact de l'autre voiture dans la leur et elle revivait ce moment en boucle. Elle cogitait aussi beaucoup trop sur ce qu'elle aurait pu ou dû faire pour éviter tout ça. Elle était en fait rongée par la culpabilité. Aussi, réveillée depuis plus de 6heures du matin, quand le jour se leva et qu'une infirmière entra dans la chambre tandis que Léo dormait toujours, elle lui demanda de l'aider à se bouger et à débrancher certains appareils pour pouvoir aller aux côtés de Léo. Se lever était douloureux, elle avait l'impression d'avoir le dos broyé. Elle mit bien une longue minute à se rendre au lit de Léo qui n'était pourtant qu'à deux mètres du sien. Et avec l'autorisation obtenue de l'infirmière, elle s'allongea doucement et tant bien que mal à côté de Léo, celui où il était moins blessée. Couchée sur le côté, elle ne le touchait pas, contrairement à d'habitude où elle aurait posé sa tête contre son torse ou son épaule. Elle se contenta de poser sa main sur celle de Léo et de la caresser avec son pouce, tandis qu'elle sentit l'émotion emplir son coeur et les larmes couler sur ses joues. Elle ne quittait pas des yeux son visage, puisqu'il allait surement se réveiller. Et pourtant, elle était perdue dans ses pensées.

Rien ne sera plus jamais pareil.
Si ma mère part de la chambre pour nous laisser parler, ce n'est pas ce qu'on fait. Je reste silencieux, pensif, me demandant ce qui va venir après, et Joy ne dit rien. Je ne sais pas se qu'il se passe dans son esprit, ce à quoi elle pense, ça fait longtemps -j'ai l'impression que ça fait une éternité, que je n'ai pas vu son visage, et que je ne l'ai pas tenue dans mes bras.
Je soupir.
Quelques minutes après le départ définitif de ma mère, l'infirmière passe et je m'endors.
La journée passe ainsi. En silence, et longuement.

La nuit est passée. J'en suis sûr, sans avoir les yeux ouverts je sais que le jour est levé. Mais quelque chose a changé. Dans la chambre je n'entends plus le double "bip". Seulement le miens. Je sais que l'infirmière est sensée me le retirer aujourd'hui, je suis hors de danger maintenant, il ne reste plus que des blessures, et je ne risque plus de faire à nouveau un coma.
J'ouvre les yeux. Je sais que Joy est près de moi. Mais je ne m'attendais sans doute pas à une telle proximité.
Elle me dévisage, mais ne semble pas me voir pour autant.
Je prend sa main et la presse. J'aimerais bouger et lui faire d'avantage de place près de moi, mais c'est impossible. Et malgré toute la volonté dont je peux faire preuve, je n'arrive pas à lui sourire. Une partie de moi a envie d'être au près d'elle, mais l'autre me souffle que ce n'est pas une bonne idée, et pour cause...
Malgré tout je remarque les larmes qui ont coulé sur ses joues... Je suis dans l'incapacité de les essuyé puisque la seule main que je peux utiliser se trouve mêlée à celle de Joy.
Les doses de médicaments sont de moins en moins forte à présent, et nos états respectifs se sont beaucoup améliorés. Mais moralement ce n'est pas encore ça.
« Bonjour. »

• Joy avait fait un effort. Se déplacer, malgré qu'elle était bien moins blessée que Léo physiquement lui coutait beaucoup. Mais c'était aussi un effort de sa part mentalement, puisqu'elle mettait sa fierté, sa peine de côté pour aller vers lui alors qu'au final il n'avait pas retenté non plus d'être réconfortant. C'était un peu le moment de vérité. Il allait être confronté à elle, obligé de réagir et Joy avait peur d'avance d'être déçue par sa façon d'agir à lui. Aidée de l'infirmière, elle se rendit donc jusqu'au lit de Léo où elle s'installa, les mouvements lui causant une douleur à la cage thoracique mais qu'elle ignora pour s'installer au mieux, bien que la place se faisait petite. Elle plaça sa main sur celle de Léo et le voir dans cet état tout en étant proche de lui, en sachant aussi qu'il n'y avait plus de bébé lui brisa comme à nouveau le coeur. Tout avait tellement changé en une journée. Elle était perdue. Leur vie ne serait plus la même et peut-être même que leur relation allait changer à cause de cet accident. Elle observa Léo se réveiller et un petit sourire se dessina sur ses lèvres quand il serra sa main et lui dit bonjour. Sourire qui contrastait avec les larmes qui coulaient sur ses joues. Elle finit par répondre un "bonjour" à son tour, suivi d'un "je t'aime" qui trahissait toutes les émotions qu'elle ressentait sur le moment : la joie qu'il soit en vie, la satisfaction de lui parler, de pouvoir le toucher et en même temps la tristesse qui ne la quittait pas. Tout se résumait à ce "je t'aime" pour le moment. Il fallait se raccrocher à ça. C'était les premiers mots qu'elle lui adressait depuis l'accident. Allongée à côté de lui, elle bougea un peu pour caler doucement sa tête près de celle de Léo et poussa un soupir tremblant car étouffé par un sanglot et lui dit : J'avais tellement peur de te perdre toi aussi... Lui aussi. Perdre le bébé était déjà difficile alors Léo aussi, elle ne l'aurait pas supporté. Elle bougea sa main libre pour essuyer ses larmes avant de se passer tant bien que mal sa main sur le visage de Léo, tentant un minimum d'être réconfortante pour lui, puisqu'il souffrait aussi. Elle préférait se concentrer pour le moment sur la souffrance de Léo que sur la sienne. Les journées à venir allaient être bien assez difficiles comme ça.

Comment gérer cette situation ? C'est ce que je me demande alors que je vois les larmes sur les joues de Joy. Je ne sais pas si cette fois ci je serais à la hauteur, si j'arriverais à me montrer si confiant que d'habitude. Cette incapacité, cet handicap -le fait que je sois tant mêlé à l'affaire - me met en colère, sinon me plonge dans une rage sans fin. Rage que je ne peut ni extérioriser, ni évoquer. Et c'est ce qui crée le malaise j'en suis sûr.
Malgré tout, Joy arrive à me dérider un peu.
Les premiers mots qu'elle m'adresse depuis longtemps sont loin de l'image qu'elle reflète. Ca ne fait qu'accentuer ma vulnérabilité, et je n'aime vraiment pas ça.
Je prends donc sur moi, lui répétant doucement à mon tour que je l'aime. Parce que à vrai dire, je n'ai pas le moindre doute là dessus, bien que je ne sois pas d'humeur à le montrer.
Rapidement Joy vient se blottir contre moi. Je lâche sa main et caresse doucement ses cheveux tant bien que mal. J'ai mal au bras mais c'est supportable.
« Je suis là... »
Devant son air inquiet je ne peux me résoudre à continuer sur ce chemin mélancolique. Malgré toute la rancoeur que j'éprouve, nous sommes en vie, et c'est le plus important. Pour le moment je pense que nous avons mérité de nous concentré sur nous. Tant pis pour le bébé. Je sais que ça lui cause du soucis, qu'elle est triste, et que elle n'oubliera jamais ce qui s'est passé. Mais des enfants, elle pourra en avoir. Nous pourrons en avoir.

Je bouge un peu dans l'espoir de lui faire de la place, mais je grimace et me résout bien vite.
Je soupir un grand coup. Pas forcément parce que j'ai mal, mais parce que je me sens surtout idiot dans ce lit d'hopital.
« Et je crois que je ne vais pas pouvoir partir avant un bon bout de temps. »
Pourquoi ne pas essayer de faire de l'humour maintenant ? Ce n'est pas drôle certes, mais que dire de plus ?

• Joy avait finit par mettre sa tristesse et sa rancoeur de côté pour aller voir Léo. En fait, c'était aussi sa fierté qu'elle mettait de côté. Elle n'avait pas envie de parler, mais elle ravalait tout parce qu'après tout, Léo était blessé aussi et qu'il souffrait. Et parce qu'elle avait besoin de réconfort et qu'il était le seul à pouvoir lui en apporter. Elle se rendit donc tant bien que mal aux côtés de Léo, bien que l'espace lui étant réservé sur le lit était petit, puisqu'il ne pouvait pas se déplacer. Il avait été bien plus blessé qu'elle et même si elle ne le formulait pas de vive voix, elle se demandait quand même si son avenir en tant que sportif n'était pas menacé, au moins à court terme. Évidemment qu'il le serait. Comment les choses allaient-elles se passer ? Il allait rentrer chez lui et il ne pourrait quasiment pas se débrouiller seul, du moins au début. Joy allait être là pour l'aider, mais est-ce qu'elle en aurait la force ? Elle doutait pouvoir reprendre un rythme, une vie "normale" sans ce bébé. Elle n'avait pas envie d'imaginer l'avenir, puisqu'elle n'en voyait pas. Se blottissant contre Léo, son premier réflexe fut de lui dire qu'elle l'aimait, ce à quoi il répondit la même chose. Elle ne releva pas à ce qu'il dit ensuite et le regarda essayer de se déplacer en vain. Elle finit par doucement se déplacer, pour poser sa tête à un endroit où il n'avait pas mal et, allongée sur le côté, elle posa délicatement sa main sur le torse de Léo, ou plutôt sur la chemise d’hôpital qu'il portait. Je viendrai ici jusqu'à ce que tu sortes. Qu'est-ce qu'elle avait d'autres à faire de toute façon ? Elle n'avait rien d'autre pour s'accrocher. Elle serra les dents mais rapidement, les larmes coulèrent à nouveau sans qu'elle ne put les retenir et le silence s'installa tandis qu'elles coulaient sur la chemise de Léo. Elle passa rapidement sa main pour les essuyer et frotter la chemise de Léo par réflexe. Au bout d'un moment, après avoir été secouée par des sanglots, elle s'excusa d'une voix tremblotante : Je n'arrive pas à m'empêcher de pleurer... Heureusement, elle ne pouvait pas voir le visage de Léo. Elle avait peur de ce qu'elle pouvait y lire.